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L’INACTION. SES MOTIFS.

le matin en deux portions : l’une qui agit et l’autre qui laisse faire.

À vrai dire, quand même elle l’aurait voulu, je ne sais trop comment la partie paisible de la population parisienne aurait pu s’y prendre pour résister à l’émeute. « Groupez-vous autour de vos chefs ! » conseille la proclamation. Fort bien ! cela est facile à dire, c’est moins aisé à faire. Pour se grouper autour des chefs, il faut savoir où ils sont. Où étaient-ils aujourd’hui ? La scission produite dans la garde nationale par le coup d’État du Comité central a eu pour conséquence première de désorganiser les commandements. Comment distinguer, à quoi reconnaître, où trouver les capitaines, les commandants, les colonels qui sont restés fidèles à la cause de l’ordre ? On sonne, il est vrai, le rappel et l’on Lat la générale dans tous les quartiers de Paris. Mais qui fait battre la générale et qui fait sonner le rappel ? Le Gouvernement régulier ou le Comité révolutionnaire ? Plus d’un bon bourgeois, prêt à faire son devoir — car, à Paris, nul n’est lâche — et qui avait déjà endossé sa vareuse et bouclé son ceinturon, ne s’est pas décidé à obéir au clairon ou au tambour, de peur que, par suite d’une confusion probable, il n’allât grossir les forces de l’émeute au lieu de se joindre aux défenseurs de la loi. Il est naturel de rester chez soi quand on ne sait pas où l’on irait. D’ailleurs, l’armée a lâché pied. Les mauvais exemples sont contagieux. Est-il équitable de demander à des pères de famille, à des négociants, à des bourgeois enfin, soldats par occasion, un effort devant lequel de vrais soldats ont reculé ? Ajoutons à ces considérations que le Gouvernement est en fuite. Il reste