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L’EXODE.

brassent les parents ; on ne croyait plus se revoir. On va, on vient, on court. On charge les voitures à briser les essieux. On pensait que tout était perdu ; on ne veut rien oublier. Je vois partir vers Paris une grande tapissière remplie d’Enfants-Trouvées ; une sœur est assise à côté du cocher. Déjà les personnes qui ont déménagé avec le plus de promptitude, gagnent la Porte-Maillot. Qui leur donnera l’hospitalité dans le vaste Paris ? on ne paraît pas songer à cela. Cet immense remuement de gens et de choses est presque joyeux sous la belle clarté du soleil pur. Le temps passe, il faut se hâter ; dans un instant la courte trêve aura expiré. Les retardataires bourrent leurs poches, chargent leur dos. Aux portes de Paris, nouvel encombrement, plus inextricable que celui du matin, car les voitures, très-chargées, ne peuvent avancer que lentement et versent volontiers. On crie de plus belle, on se démène, on passe cependant, on est en sûreté, et bientôt dans toutes les rues se répandent les carrioles des émigrants. C’est une exode. Mais que Paris est triste pour une terre promise !

Et maintenant, départ et d’autre, recommencez, canonnade et fusillade, puisqu’il faut enfin que cette horrible querelle soit vidée par la destruction de l’un des deux partis. Tuez-vous les uns les autres, puisque vous le voulez absolument, combattants nés sous le même ciel ! il y aura du moins quelques femmes qui dormiront en paix cette nuit.