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LES RUINES DE NEUILLY.

ou plutôt ce qui fut le bois de Boulogne, car, du point où je me trouve, on voit très-peu d’arbres, et la forêt montre d’immenses clairières désolées.

J’ai hâte d’avancer. D’ailleurs, la foule me pousse. Voici Neuilly, enfin ; le désastre est complet. La réalité dépasse tout ce que j’avais pu supposer. Les toits effondrés sortent des maisons par les fenêtres. Quelques murs sont écroulés ; dans ceux qui sont restés debout, il y a d’énormes trous noirs. C’est par là que les obus sont entrés, puis ils ont éclaté à l’intérieur, cassant, disloquant, émiettant les meubles, les tableaux, les glaces, et brisant des hommes aussi. À chaque instant, des morceaux de vitre achèvent de se briser sous les bottes des passants ; pas une fenêtre n’a conservé un carreau. De loin en loin, une maison sur laquelle les boulets, on ne sait pourquoi, se sont acharnés, n’est plus qu’un monceau de débris d’où le vent emporte une poussière de briques et de plâtres.

Eh bien, Parisiens, que dites-vous de cela ? N’êtes-vous pas d’avis que le citoyen Cluseret, quoique Américain, est un excellent Français, et ne serait-il pas temps de rendre un décret ainsi conçu : « Considérant que si Neuilly est en cendres, la France doit surtout cet heureux résultat à la glorieuse résistance organisée par le délégué à la guerre, décrète : Article unique : Le citoyen Cluseret, destructeur de Neuilly, a bien mérité de la France et de la République. »

Cependant, de toutes les maisons, ou du moins de tout ce qui reste de toutes les maisons, se précipitent des gens chargés de tables, de matelas, de coffres. Les ressuscités sortent de leurs tombeaux. Les parents em-