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LES MODES DE LONDRES.

il est vrai, et de te promener sur les boulevards. Mais voici enfin une chose qui va te faire tressaillir, je suppose. Sais-tu ce que je viens de lire dans l’Indépendance belge ? Ah ! pauvre Paris, les jours de ta gloire sont passés, ton antique postérité est détruite, tes antiques lauriers sont coupés, tu n’iras plus au Bois ! Qu’est-il donc arrivé ? Il est arrivé que tu es remplacé sur le trône de la mode. Le monde inquiet de la forme que devront avoir les chapeaux en cette triste année, et te voyant occupé à des discordes intestines, s’est adressé à Londres pour obtenir des renseignements, et Londres désormais dicte des lois à toutes les modistes de l’univers. C’est l’Indépendance belge qui apporte cette exécrable nouvelle. Ô ville désolée, que je te plains ! Ce n’est plus toi qui imposeras à l’humanité des lois souveraines concernant les « suivez-moi, jeune homme, » et les gants de peau de chien. Ce n’est plus toi dont on verra les faux-cols et les bottines arriver, à force de popularité, à orner même les habitants nus des îles Marquises. Humiliation profonde et choisie, c’est ta vieille rivale, c’est ta maigre et grande sœur, c’est la noire ville de Londres qui te prend ta marotte étincelante pour la transformer en un de ces bâtons couronnés que es policemen portent dans leur poche gauche. Tu es destinée avoir, oui, dans tes propres murs — s’il te reste des murs — tes femmes et tes filles, à la démarche élégante, se promener lourdement chaussées de cuir anglais, la tête aplatie sous des chapeaux à forme ronde, entourées de crinolines et de volants, et étalant de toutes parts la couleur violette, cette abominable fusion du bleu et du rouge, qui t’a toujours comblée d’horreur, tu