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MERCREDI DES CENDRES.

ments anciens. « Ne faites pas attention, avez-vous dit, c’est le drapeau rouge que nous avons dans la poche et qui sort ! » Et il arriva que quelques-uns vous crurent. Nous-mêmes, quoique soupçonneux, nous nous laissâmes prendre aux grands gestes de vos manches plus longues que vos bras. Et puis vous parliez de toutes ces belles choses : la liberté, l’émancipation des travailleurs, l’association des forces ouvrières ; on s’est dit : « Voyons-les à l’œuvre, avant de les condamner définitivement. » Nous vous avons vus à l’œuvre, et maintenant que nous savons comment vous travaillez, nous ne voulons plus vous donner d’ouvrage. À bas les masques ! vous dis-je, allons, faux Danton, redeviens Rigault ; masque de Saint-Just, redeviens le visage de Serailler ! Toi, Napoléon Gaillard, quoique cordonnier, tu n’es pas même Simon. Sors de Robespierre, Rogeard ! Au diable vos défroques empruntées à des jours grands et sinistres ! Apparaissez chétifs et petits, burlesques ; soyez vous-mêmes, nous serons tous plus à l’aise, vous pour être méprisables, et nous pour vous mépriser.

Et ce que je vous dis ici, Paris vous l’a dit hier. Qu’est-ce que cette abstention presque générale des votants, comparée à l’empressement de naguère, sinon l’aveu de l’erreur à laquelle vos travestissements avaient donné lieu ; et que prouve-t-elle, sinon la résolution de ne plus se mêler à votre carnaval ? Nous y voyons clair, vous dis-je, et la saturnale touche à salin. C’est vainement que l’orchestre des mitrailleuses et des canons, sous la direction du maître de chapelle Cluseret, continue à faire rage et à nous inviter à la fête ; c’en est fait, on ne veut plus danser.