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L’ART LIBRE.

mosquée, je confesse que ma mosquée a l’air d’un dromadaire, et que Polonius lui seul serait eapable de la prendre pour une baleine. Mais je suis artiste à ma manière, et je vous assure que si n’importe quel poëte, eût-il composé des œuvres supérieures dans leur espèce au Combat de cerfs ou à la Femme au perroquet, venait me dire à moi, poëte : « Fédérons-nous, » je lui répondrais net : « Laissez-moi en paix, monsieur de la fédération ! Je suis un rêveur, un travailleur ; lorsque j’ai fait un poëme, je le publie, s’il se rencontre un éditeur qui croie pouvoir le tirer à quelques milliers d’exemplaires sans se réduire à la plus irréparable mendicité. Cela fait, je ne m’inquiète pas de ce qu’il adviendra de mon œuvre ; l’indulgence de quelques lecteurs, l’assentiment de quelques amis, la colère de quelques sots, c’est tout ce que j’espère, c’est tout ce que je demande. Me fédérer ? Pourquoi ? Avec qui ? Est-ce que ma besogne, si elle est mauvaise, deviendra bonne par suite de mes attaches avec n’importe quelle société ? Est-ce que la besogne des autres gagnera quelque chose à cette association ? Rentrons chez nous, messieurs les artistes, fermons les portes, disons à notre domestique — si nous avons un domestique — que nous n’y sommes pour personne, et, après avoir taillé notre meilleure plume ou saisi notre meilleur pinceau, travaillons dans la solitude, sans relâche, sans autre souci que de faire le mieux que nous pourrons, sans autre sommation que celle de notre conscience artistique, et, l’œuvre achevée, serrons franchement la main à ceux de nos camarades qui nous aiment ; aidons-les, qu’ils nous aident, mais librement, sans obliion, sans cotisation, sans statuts. Nous n’avons que