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ON BRÛLE LA GUILLOTINE.

guillotine dans leur portefeuille, et si, à Lyon, à Marseille, ou dans quelque autre grande ville, ils avaient rencontré un certain nombre de « bons bougres », en un clin d’œil, couic ! plus de bons bougres ! Canailles, val Mais continuons à lire : « Le sous-comité du onzième arrondissement… » Ah ! ça, il y a donc un sous-comité dans chaque arrondissement ? « … a fait saisir ces instruments serviles de la domination monarchique… » Attrapez, monsieur Thiers ! « … et en a voté la destruction pour toujours. » Très-bien intentionné, le sous-comité, mais pas littéraire du tout. « En conséquence, la combustion va en être faite sur la place de la Mairie, pour la purification de l’arrondissement et la conservation de la nouvelle liberté. » Et en effet, on a brûlé une guillotine, le 9 avril, à dix heures du matin, devant la statue de Voltaire.

La cérémonie, du reste, n’a pas manqué d’une certaine étrangeté. Au milieu d’une foule compacte, hommes, femmes, enfants, qui montraient le poing à l’odieuse machine, des gardes nationaux du 137e bataillon jetaient dans de vastes flammes les fragments brisés de la guillotine ; tout cela pétillait, craquait, flamboyait, et la statue du défenseur de Calas, enveloppée de fumée, devait prendre plaisir à respirer cet encens. Quand il ne demeura plus qu’un brasier rouge, la foule poussa des cris de joie, et, pour ma part, j’approuvais pleinement ce qu’on venait de faire et l’approbation des assistants. Mais, entre nous, parmi les personnes qui étaient là, n’y en avait-il pas beaucoup qui, plus d’une fois, et avec non moins d’empressement, s’étaient rangées autour de la guillotine dans une intention assez différente de celle de la voir brûler ? Et puis, si, en réduisant en cendres cet instrument