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93 et L’AMÉRIQUE.

rique ? on veut en mettre partout. La République moderne a deux ennemis redoutables : l’Amérique et 93. Parodistes que nous sommes ! Ne pouvons-nous être libres à notre façon, et, pour le devenir, sommes-nous obligés d’imiter ceux qui l’ont été ou ceux qui le sont ? Ce qui convient à un temps et à un pays convient-il à un autre pays et à un autre temps ? Je reviendrai sur ce sujet. D’ailleurs, cette Amérique qu’on nous vante et que j’admirerais tant que l’on voudrait si on ne songeait pas à refaire la France à son image, il faudrait vraiment être aveugle pour ne point voir ce qu’elle a de chétif au milieu de réelles grandeurs. Quelqu’un me disait : « L’esprit américain peut être comparé à une liqueur composite, formée de la levure de la bière anglo-saxonne, de l’écume du vin d’Espagne et de la lie du petit bleu français ; tout cela bout violemment, chauffé à soixante degrés par les congratulations et les admirations (éloignées, il est vrai) qu’envoient à leurs détritus le véritable pale aie, le vrai Xérès et le château-margaux authentique. De temps en temps la chaudière bout avec trop de violence, et la boisson frelatée se répand dans notre bon vieux monde, rapportant aux sources pures, aux crus originels leurs produits détériorés. Ah ! combien d’altérations a subies de cette lamentable façon notre cher vin de France ! » Médisance, exagération sans doute, mais j’en veux à l’Amérique d’avoir rendu Cluseret à la France ; comme j’en veux à la Commune de l’avoir imposé à Paris. Cette dernière a pourtant une excuse admissible : elle n’a peut-être pas trouvé parmi les vrais Français d’homme assez criminellement ambitieux pour diriger selon ses vœux la