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MALADRESSE DES CANONS.

des murs de la ville qu’atteignent les obus de l’Assemblée nationale ; ils dépassent de beaucoup les lignes de défense, ils effondrent au loin des maisons inoffensives, ils endettent les sculptures des monuments. À cette affirmation, on ne peut répondre : non. Ce que je dis, je l’ai vu, et d’heure en heure, les projectiles parviennent plus avant. Hier ils tombaient sur l’avenue de la Grande-Armée ; aujourd’hui, ils franchissent l’Arc-de-Triomphe ; il vient d’en tomber place d’Eylau et avenue d’Uhrich ; qui sait si, demain, ils n’atteindront pas la place de la Concorde ; si, après-demain, je ne serai pas tué d’un éclat d’obus en traversant le boulevard Montmartre ? Paris bombardé ! Prenez garde, messieurs de l’Assemblée nationale ! Ce que les Prussiens ont fait, — ce qui a fait pousser de si justes clameurs aux gouvernants du 4 septembre — il serait aussi infâme qu’imprudent de le refaire. Tuez des Français qui combattent des Français, puisque tel est, hélas ! l’horrible droit de la guerre civile, mais épargnez les vies et les maisons de ceux qui n’ont pas pris les armes contre vous, qui sont vos alliés peut-être. Vous objecterez que les canons ne sont doués ni d’intelligence ni de miséricorde, et qu’on ne leur fait pas faire tout ce qu’on veut. Eh ! qu’avez-vous donc fait de ces merveilleux artilleurs qui, pendant le siège, démontaient si fréquemment les pièces de l’ennemi, inquiétaient ses travaux avec tant de précision, et qui, à une distance de sept kilomètres, auraient été capables de placer un boulet en équilibre sur la pointe d’un casque Prussien ? Ils sont donc devenus bien maladroits depuis qu’ils ont retourné leurs batteries ? Sans ironie et en un mot comme en cent, vous vous faites le