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LES TERNES.

et les balles, si communes de part et d’autre, depuis que l’horrible guerre civile s’est centralisée à Neuilly.

Comme il serait souverainement imprudent de longer la voie du chemin de fer ou de s’engager dans l’avenue de la Grande-Armée où les projectiles Versaillais n’ont pas tout à fait cessé de tomber, je suis la rue du Débarcadère, puis la rue Saint-Ferdinand, et me voilà sur la place des Ternes, devant l’église. Ce quartier est funèbre. Très-voisin des remparts, il est très-exposé, et déjà il a beaucoup souffert. Presque toutes les boutiques sont fermées ; les vendeurs de victuailles et de vins laissent leurs portes entre-bâillées ; sur beaucoup de devantures, on lit ces mots tracés à la craie : « Adressez-vous sous la porte cochère. » Je remarque que l’église est ouverte : une église ouverte, ces jours-ci, c’est une chose rare. Quoi ! la Commune a-t-elle commis l’inqualifiable imprudence de ne pas faire arrêter le curé de l’église Saint-Ferdinand ? et pousse-t-elle la longanimité — puisse-t-elle ne pas avoir à se repentir de sa faiblesse ! — jusqu’à permettre aux habitants des Ternes d’être baptisés, mariés, enterrés, selon les déplorables us et coutumes du catholicisme, heureusement tombés en désuétude dans les autres quartiers de Paris ? Je ne m’étonne plus de l’acharnement des obus dans ce pauvre arrondissement ; le courroux de la déesse Raison — est-ce que nous n’aurons pas bientôt la déesse Raison ? — s’appesantit sur ces quartiers, honte de la capitale, où l’on a encore l’air de croire à l’ancien bon Dieu. Cependant, j’entre dans l’église. Il y a beaucoup de dévotes, et quelques dévotsaussi. On dit les prières des morts sur le cercueil d’une femme nui, d’après ce qu’on meraconte,