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CE QU’ON VOIT D’UNE FENÊTRE.

jonchent çà et là le sol, par des brancards que l’on emporte, et où l’on aperçoit des matelas rougis de sang ; par la gare, presque entièrement effondrée, et par les maisons voisines, qui, presque toutes, ont de grands trous dans leurs façades. D’ailleurs, les fédérés ne paraissent pas s’émouvoir outre mesure de leur situation délicate. On entend de grands éclats de rire sortir d’une casemate dont la cheminée fume, et les gardes, qui vont çà et là, sifflent le Chant du Départ, de l’air le plus satisfait du monde. Je gagne la rue du Débarcadère, très-rapprochée du rempart. Une de mes parentes demeure au no 4 ; elle a déménagé ; mais la concierge me reconnaîtra et me permettra sans doute de m’installer à quelque fenêtre. Dans la maison voisine, qui fait le coin, un obus est entré chez le marchand de vins, qui se serait bien passé de ce visiteur, et s’y est conduit d’une façon peu convenable, brisant les glaces, estropiant les tables, enfonçant le comptoir, mais n’a tué ni blessé personne. Le concierge du no 4 me reconnaît en effet, et je m’introduis dans le domicile de ma parente, situé au troisième étage.

De la croisée, je ne puis pas voir le bastion, qui m’est caché par la gare ; mais au loin, à gauche, au delà du bois de Boulogne, où il semble que j’aperçois des mouvements de troupes à travers les branches — sont-ce des Versaillais ? sont-ce des Parisiens ? — s’élève, énorme : et baigné de soleil, le Mont-Valérien. Les étincelles, qui ont en plein jour l’éclat pale de l’argent, se succèdent avec rapidité, les détonations retentissent, et le géant a une tiare de fumée. Je crois qu’il tire dans la direction deLcvallois plutôt que sur la Porte-Maillot. Les fédérés ne songent pas à lui répondre. En détournant, un peu