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QUELQUES OBUS.

quante mètres environ de l’Arc-de-Triomphe. Un sifflement rapide, aigu, tortueux, commence au loin, redouble et vient à nous ; cela fait à peu près le bruit d’une fusée d’artifice qui s’enlève. Gare à l’obus ! crie un sergent, et en un clin d’œil le bataillon s’abat ventre à terre, avec un bruit de baïonnettes qui se froissent et de casseroles heurtées. Il y avait quelque danger en effet. Le projectile s’abat et éclate, avec un bruit formidable, à peu de distance de nous, sur le trottoir, devant la dernière maison de l’avenue, à gauche. Je n’avais jamais vu de si près éclater un obus. On peut se faire une idée de ce spectacle, en regardant les peintures naïves que portent, pendues à leurs cous, certains mendiants aveugles, et qui représentent un sinistre dans une mine. D’ailleurs, je ne crois pas que personne ait été atteint, et les dégâts matériels paraissent se borner à un grand trou dans le bitume et à une porte enfoncée. Le bataillon se relève, et plusieurs gardes s’en détachent pour aller ramasser des éclats ; ils ont à peine fait quelques pas, qu’une seconde fois retentit le cri d’alarme, précédé du terrible sifflement, et, de nouveau, nous voilà tous couchés. Le second projectile éclate, mais nous ne l’avons pas vu tomber ; nous voyons seulement, au dernier étage de la maison qui a déjà été atteinte, une fenêtre s’ouvrir brusquement et les carreaux de vitre brisés s’émietter dans la rue. Il est probable que l’obus est tombé sur le toit et l’a effondré. N’y avait-il personne dans les mansardes ? Nous sommes debout, et nous tournons l’Arc-de-Triomphe. Je me suis adroitement insinué dans la confiance de i’arrière-garde, et j’espère pouvoir aller aussi loin qu’il me plaira. Chose singulière ! et que j’avoue avec