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CONTINUATION DE LA PROMENADE.

des fumées blanches s’élèvent de la Porte-Maillot ; des boîtes à mitraille, envoyées par le Mont-Valérien, éclatent au-dessus de l’Arc-de-Triomphe. J’avance toujours. À droite, à gauche, des compagnies de fédérés. Plus loin, un bataillon à peu près complet, l’arme sur l’épaule droite, des casseroles sur le dos, des pains au bout des baïonnettes, s’ébranle dans la direction de la Porte-Maillot. À côté du capitaine de la première compagnie, marche une femme qui porte un uniforme singulier : une jupe de cantinière, une vareuse de garde national, et là-dessus un bonnet phrygien ; elle a un chassepot sur l’épaule et un revolver à la ceinture ; elle me paraît jeune et assez jolie. J’interroge quelques fédérés : l’un me dit que c’est la femme du citoyen Eudes, membre de la Commune ; un autre m’assure que c’est une marchande de journaux de l’avenue des Ternes, dont le fils, un petit garçon de trois ans, a été tué hier soir, rue des Acacias, par un éclat d’obus, et qui a juré de venger son enfant. J’apprends aussi que ce bataillon va soutenir les combattants de Neuilly, qui en ce moment faiblissent. D’après les bruits qui circulent, les gendarmes et les sergents de ville se seraient avancés jusqu’à la rue des Huissiers. Je suis assez porté à croire que les généraux de l’Assemblée nationale n’ont pas négligé d’employer les sergents de ville et les gendarmes, qui sont, les premiers, d’anciens soldats, et les seconds, de bons soldats ; mais, en vérité, s’il y en avait partout où l’imagination des fédérés persiste à en voir, il faudrait qu’ils fussent plus nombreux que les grains de sable de la mer, ou que leurs chefs aient réussi à les douer du don d’ubiquité. Cependant, je suis le bataillon, et nous nous trouvons à cin-