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LES JOURNAUX SUPPRIMÉS.

prestige. Mal comprise, mal employée, elle a pu nuire, mais personne ne méconnaît la grandeur des services qu’elle peut rendre, ni la noblesse de sa mission. Si elle a été quelquefois la voix qui trompe, elle a été aussi et sera encore la voix qui instruit et qui encourage.

Quand vous êtes allé, hier, à l’improviste, nuitamment, comme on fait un mauvais coup — et vous en faisiez un — quand vous êtes allé saisir les presses du Journal des Débats, du Paris-Journal, du Constitutionnel, savez-vous ce que vous avez fait ? Vous croyez peut-être que cette action n’a eu pour résultat que de supprimer violemment une propriété privée — ce qui est un vol — que de réduire à la misère — ce qui est un crime — tous ceux qui vivent du journal, journalistes, typographes, plieuses et porteurs ?

Vous avez fait pis encore, vous avez barré autant qu’il était en votre pouvoir le courant du progrès humain. Le plus noble droit de l’homme, celui de dire hautement ce qu’il pense, vous l’avez supprimé comme un pic-pocket « filoute » un mouchoir de poche, et vous avez pris au collet cette sainte chose, l’indépendance de la pensée, et vous lui avez dit : « Tu me gênes, je t’étrangle. »

Et pourquoi avez-vous fait cela ? Fermer la bouche à ceux qui vous contredisent, c’est convenir que vous n’êtes pas bien sûrs d’avoir raison. Supprimer les journaux, c’est avouer que vous les craignez. Redoutez que votre appréhension de la lumière n’inspire d’étranges soupçons sur ce que vous perpétrez dans l’ombre. On ferme les fenêtres lorsqu’on ne veut pas être vu. Les portes trop bien closes n’inspirent que peu