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MARIONNETTES ET PANTINS.

Ah ! mon Dieu, s’est écrié un brave bourgeois — les bourgeois sont féroces — à la lecture de cette lettre, si tous les membres de la Commune pouvaient venir l’arrêter l’un après l’autre ! « Je ne me cache pas, je circule librement et ouvertement sur les boulevards. » Quelle fierté ! quelle grandeur d’âme ! Ah ! fantoches, pantins, marionnettes ! Tenez, je crains tant d’être injuste que je veux croire, oui, je veux croire encore — malgré les perquisitions armées, malgré les arrestations, malgré les vols, car il y a eu des vols, malgré tant de décrets, dont quelques-uns sont inutiles et grotesques — je veux croire que vous ne vous êtes pas uniquement emparés du pouvoir pour transporter le théâtre Guignol à l’Hôtel de Ville et pour y jouer de sinistres farces ; je veux espérer que vous aviez, que vous avez encore un but honorable, avouable, que votre inexpérience naturelle, jointe aux difficultés du moment, est la seule cause de vos excès et de vos folies ; je me plais à penser que parmi vous, en dépit des démissions successives de vos confrères les plus estimés, il y a encore des honnêtes gens, des gens sérieux qui gémissent du mal qui a été fait, qui voudront le réparer et qui s’efforceront de faire oublier le crime et l’horreur de la guerre civile par les bienfaits qu’apportent quelquefois les révolutions ; oui, moi qui de tout temps me suis nourri d’illusions, je veux penser tout cela ; mais, de bonne foi, quelle confiance vous imaginez-vous pouvoir inspirer à des gens qui, moins prévenus que moi en faveur des novateurs, vous voient vous arrêter les uns les autres et sont obligés de reconnaître que vous avez parmi vous des généraux comme Bergeret, des