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FLOURENS ET ROCHEFORT.

miséraables de Belleville pendant les hivers sans feu et sans pain. Il allait, vraiment, de mansarde en mansarde, interrogeant, consolant, ranimant. Vous vous souvenez de ce que Victor Hugo raconte de la sublime Pauline Roland ? L’âme de Flourens ressemblait à l’âme de Pauline Roland. Ce patriote était une sœur de charité. D’ailleurs, politique fiévreux, chercheur d’un eldorado social, il mettait un bras violent au service des causes les plus désespérées ; nul ne fut jamais moins prudent que lui ; il était l’activité elle-même, errante, désordonnée, s’en prenant à tout. L’immobilité lui était interdite ; quand on ne le voyait pas s’agiter, c’est qu’il agissait dans l’ombre, mais il agissait toujours. Son amitié avec Henri Rochefortfut intime. Ces deux « turbulents, » l’un par sa plume, l’autre par son bras, faisaient songer l’un à l’autre. Les excès de Rochefort dans l’invective rappelaient les excès de Flourens dans le remûment. Ces deux natures se contredisaient quelquefois ; elles étaient liées pourtant. Avez-vous jamais vu, dans quelque atelier, deux rapins exécuter la farce célèbre qui consiste en ceci, que l’un parle sur n’importe quel sujet, tandis que l’autre, caché sous un manteau derrière son compère, étend les bras et fait les gestes les plus étranges ? Rochefort et Flourens faisaient cette farce en politique, celui-ci hâblant, celui-là se démenant ; puis ils se séparèrent. Ce fut le jour des funérailles de Victor Noir. Ce jour-là, Henri Rochefort — il faut lui tenir compte de ceci — préserva d’un danger terrible une multitude d’hommes. Flourens, conséquent avec lui-même, voulait qu’on portât le corps au Père-Lachaise ; — en route, on se serait battu, on aurait agi : c’était ce que voulait