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FLOURENS.

colonel, mais, depuis quelques heures seulement, on a des détails précis et qui paraissent véritables.

Il a été fait prisonnier à Rueil.

— Rendez-vous ! lui a dit un gendarme. Il a répondu par un coup de pistolet. Un autre gendarme lui a donné un coup de sabre dans le ventre, un troisième gendarme — d’un coup de sabre aussi — lui a fendu le crâne. Quelques-uns nient le coup de pistolet et croient à un assassinat. Que d’événements obscurs et d’où la vérité ne sera jamais clairement démêlée ! Quoi qu’il en soit, il est mort. Son corps a été reconnu à Versailles par un commis de la maison Garnier frères. Sa mère est partie ce matin ; elle va chercher le cadavre de son fils. Pourquoi donc le trépas de cet homme mêlé à toutes les secousses révolutionnaires de ces dernières années et que devraient haïr spécialement les gens de paix et d’ordre, nous affecte-t-elle douloureusement ? Le général Duval, tué, nous a peu émus ; Flourens, mort, nous attriste. Ah ! c’est que celui-ci était une âme ardente et convaincue, sincère ! C’était un croyant. Quelle que soit la religion, l’apôtre inspire de l’estime, et le martyr de la compassion. Cet apôtre, ce martyr, était né riche ; fils d’un savant illustre, on pourrait presque dire qu’il était né savant. Puis, tout jeune encore, il se lança dans les aventures de la politique. On se battait en Crète, il partit pour la Crète. Là il s’insurgea contre l’insurrection elle-même, nargua les gendarmes, fut pris, s’évada, fut repris, en un mot inventa une légende, créa un roman. C’est justement parce qu’il était romanesque qu’il est intéressant. Il revint en France. Plein de générosité, prodigue de son argent comme de son sang, il secourait les