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LE CITOYEN RIGAULT.

seigneur Darboy a été interrogé par le citoyen délégué Rigault.

Il faut dire que M. Rigault commence à faire parler de lui depuis quelques jours. C’est un homme qui avait évidemment une vocation sincère pour le métier qu’il a choisi, car il arrête, il arrête, il arrête. On ne dispute pas des vocations ni des couleurs. D’ailleurs, jeune, froid, correct, amer. Mais son flegme n’exclut pas, comme on va le voir, une aimable gaieté.

C’est donc par le citoyen Rigault qu’a été interrogé l’archevêque de Paris. Je ne suis pas démesurément curieux, mais je voudrais savoir ce que le membre de la Commune a pu demander à monseigneur Darboy. Celui-ci n’ayant apparemment commis qu’un crime, celui d’être prêtre, et n’ayant sans doute aucune envie de le dissimuler, on ne s’explique pas très-bien sur quoi a pu porter l’interrogatoire. Il faut supposer que M. Rigault a trouvé dans son imagination des ressources particulières pour soutenir l’entretien, et que sa vocation de juge d’instruction n’est pas moins réelle que sa vocation de policier. Quoi qu’il en soit, les journaux de la Commune enregistrent avec une admiration peu dissimulée ce fragment de dialogue :

— Mes enfants ! aurait dit à un moment l’archevêque de Paris, dont les cheveux sont blancs.

— Citoyen, interrompit le délégué Rigault qui n’a pas trente ans, vous n’êtes pas devant des enfants, mais devant des magistrats.

C’était tapé, cela ! et je conçois l’enthousiasme que M. Rigault inspire aux membres de la Commune. Mais cet excellent citoyen ne s’est pas borné à cette fière