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IL Y A FUSILLADE ET FUSILLADE.

s’offrant ici, se vendant là. Les hommes sont bêtes et gais. On débouche des bouteilles de Champagne : « Ah ! ah ! c’est la fusillade. » Ces hommes sont les amants de toutes, ces femmes sont les maîtresses de tous ! Je vous dis que cette orgie est du meilleur effet au milieu de la ville chargée de malédictions, à quelques pas du champ de bataille où la baïonnette perce, où la mitraille éventre ! Et plus tard, quand on a bien ri, bien chanté, bien bu, comme la nuit est très-belle, on prend une voiture découverte, on va aux Champs-Élysées, et là on se hisse sur le siège, à côté du cocher, pour tâcher d’apercevoir le combat, pour voir si « ces gens-là » savent aussi bien mourir que les autres savent s’amuser. Plus discrets, d’autres viveurs se réfugient aux premiers étages de quelques maisons, dans les cercles. Ils sont trahis cependant par la splendeur des lustres qui perce les rideaux épais. Longez les murs, vous entendrez les conversations des joueurs et le cliquetis joyeux des pièces d’or.

Ah ! lâchetés des heureux ! colères excusables des meurt-de-faim !

XXIX.

Au retour d’une de ces excursions où j’observe Paris nocturne, aujourd’hui 5 avril, à une heure du matin, je suivais la rue du Mont-Thabor afin de gagner le boulevard et de là le quartier où j’habite.