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NEUILLY.

politiques. Qui donc commande ? qui donc organise ? Les membres de la Commune, divisés d’opinion, ne paraissent pas en état, à cause de leur nombre et de leur incontestable inexpérience, d’imprimer une direction unique aux choses militaires. Parmi eux, ou derrière eux, y a-t-il donc quelqu’un qui sait penser et agir ? Est-ce Bergeret ? est-ce Cluseret ? l’avenir nous l’apprendra peut-être. En attendant, et en dépit des échecs subis ces jours derniers par les fédérés, Paris entier corde pour s’étonner de la régularité avec laquelle semblent fonctionner les rouages administratifs de la Guerre, et il s’étonne d’autant plus que, pendant le siège, nos chefs « légitimes, » disposant de moyens plus puissants, ayant sous leurs ordres des soldats mieux disciplinés, n’avaient pas réussi à obtenir des résultats aussi frappants.

Mais ne vaudrait-il pas cent fois mieux que cet ordre n’eût pas été établi ? Ne vaudrait-il pas mieux qu’ils ne fussent pas dirigés par des commandements précis, ceux que ces commandements vouent à une mort sans gloire ? Neuilly, depuis quelques jours, Neuilly, si joyeux autrefois avec ses boutiques industrieuses, ses cabarets populaires et ses parcs princiers, Neuilly, dominé d’un côté par les batteries versaillaises, de l’autre par les canons parisiens, et surplombé incessamment par les obus et les boîtes à mitraille du Valérien, Neuilly avec son pont pris et repris, avec ses barricades abandonnées et reconquises, est, depuis plusieurs jours, comme un vaste trou où s’abîment l’un après l’autre, pris de vertige, les bataillons fédérés, comme une région d’enfer où se complaisent, dans la folie du sang et de la mort,