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LE ROI VIERGE

homme ; les cloches ont sonné la plainte funèbre des glas, pendant que, sous leurs voiles noirs, sanglotaient douloureusement les pleureuses ; et toutes les mères m’ont maudite, songeant que leurs fils aussi pourraient mourir comme lui, à cause de moi. Parbleu ! Mais qu’il ressuscite, l’enfant pâli, et qu’il dise si, en échange de la vie, il n’a pas reçu assez de plaisirs et d’extases pour remplir de songes splendides l’éternité de sa tombe ! Va, va, ils le savent bien, cela, les hommes qui disent : « Je la hais ! » et qui mentent. Le sarment ne déteste pas le brasier, puisque sa joie d’être consumé pétille en étincelles. Le jour, ils me fuient, oui, mais en se détournant pour me voir encore, pour emporter un peu de moi dans leurs yeux, puis, quand l’ombre vient, — à l’heure où les démons de la luxure rôdent autour des âmes, — c’est la Frascuèla qui s’allume pour eux dans les lueurs du ciel, c’est elle qu’ils aspirent dans l’air chaud qui passe ; et, s’ils résistent à me chercher, les frissons de mes cheveux leur courent toute la nuit sous la peau dans la tiédeur fiévreuse de l’oreiller. Mais ils ne résistent pas ! Tu les as vus ! Tu les as vus ! Rampant, glissant, dans l’ombre, ils viennent. Ne les sens-tu pas