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LE ROI VIERGE

lait les manches, fit bouffer les volants sur l’escalier des coulisses, la poussa encore, n’eut pas le temps de lacer le corsage, cria : « Tu es nue, tu seras sublime ! » et, d’un coup de poing dans le dos, la précipita en scène.

Puis il se laissa choir contre un portant, sur une chaise qui était là, et souffla comme un bœuf.

Elle, en scène, avait bondi vers la table, levé la coupe d’or, et, d’un jet de roulade, saisi la note de violon que lui lançait l’orchestre, comme un oiseau dans un coup de vent s’agriffe à une feuille emportée.

Défaite, les cheveux tombants, la chair hors des étoffes, blanche en pleine lumière, elle se dressait pareille à une chaleureuse bacchante ; l’éblouissement d’être là, soudain, la stupéfaction de se sentir en proie à des milliers d’yeux allumés et fous, l’enivraient elle-même ; et elle se ruait dans la musique comme on se jetterait dans les flammes, effarée, éperdue, superbe, la voix tout envolée et la beauté tout offerte !

Dans la salle, un silence d’abord ; de l’étonnement sans doute ; puis, brusquement, quand Gloriane eut lancé sa dernière roulade furieuse, les