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FRÉDÉRICK ET GLORIANE

gardé une fois encore tes chers yeux qui m’étaient si doux autrefois. On me disait que tu m’avais tout à fait oubliée ; mais te voilà, tu es bon ! Je devine : tu ne croyais pas que j’étais si malade ; tu pensais : « Bon ! un bain, ce n’est pas grand’chose, elle n’en mourra pas ! » C’est pour cela que tu ne t’inquiétais pas de moi. Eh bien ! si, Frédérick, il paraît que je vais en mourir. L’eau était très froide, j’ai pris une fluxion de poitrine, à ce que disent les médecins, et puis, j’avais tant de chagrin, tant de chagrin, parce que tu avais été méchant, que le mal empira très vite ; et, tu vois, maintenant c’est la prière des agonisants que ta mère récite auprès de mon lit. Je ne te dis pas cela pour te faire de la peine, pour que tu aies du remords, non ! Tu es venu, je te pardonne ; et puis, qui sait ? — les petites filles sont niaises ! — tu avais peut-être, pour agir comme tu l’as fait, d’excellentes raisons que je n’ai pas comprises. Oui, oui, c’est cela, il y avait des raisons, et je ne te les demande pas. Tout ce que je veux, c’est que tu me regardes — oh ! je suis bien changée ! — que tu me regardes longtemps avec des yeux sans méchanceté, que tu prennes mes deux mains dans les tiennes…