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LE ROI VIERGE

chimères, parce qu’elle leur ressemblait ; et, à cause de l’impossibilité d’être aimé d’elle, il en devint amoureux. D’ailleurs, il ne conçut même pas le désir de demeurer près d’elle, et, quand il ne la vit plus, de la revoir ; toute proche, elle fût devenue, elle aussi, la réalité maussade ou vile. Ce qu’il aimait d’elle, c’était la pensée qu’il en avait gardée ; et il chargea son chambellan, le prince Flédro-Schèmyl, d’obtenir le portrait de la reine ; il lui suffirait de posséder la ressemblance de son rêve. Mais, ce portrait, le lui donnerait-elle ? C’était cette vague image, — adorable mensonge plus cher que la vérité, — qu’il apercevait toujours, dans un lointain lumineux, quand les ailes de la musique l’emportaient parmi l’illusion des formes sans corps et des baisers sans lèvres.

Cependant, Lisi souffrait dans la solitude de Lilienbourg. Où s’en était-il allé, celui qu’elle aimait tant ? C’était à peine si elle avait entendu dire qu’il était monté sur le trône de Thuringe. Pourquoi pas de nouvelles ? Pourquoi n’écrivait-il pas, s’il ne pouvait venir ? Et elle pleura longtemps, longtemps, — jusqu’au jour où la reine Thècla lui dit :