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FRÉDÉRICK

se faisait amoureusement mystique ou farouche, — Frédérick se sentait enlevé dans des paradis inconnus, où aucune chose n’existait selon les modes de l’existence d’ici-bas, où, par une miraculeuse transposition, les couleurs, les formes étaient des sons lumineux ; tantôt il était précipité dans des enfers étranges, qu’aucune religion n’a inventés, et où les supplices sont faits d’un excès d’harmonieuses délices. Et il avait les yeux pleins de larmes et l’âme débordante de ravissements. Un instant, il sanglota avec violence, pris d’un déchirant désespoir ! Le clavecin et la voix ne chantaient plus derrière la cloison. Quoi ! il faudrait redescendre de ces ciels adorables, remonter de ces paradisiaques Ténares, — revenir dans l’insipide vie réelle ? Mais non, la musique de nouveau ouvrait ses ailes frémissantes, et lui, extasié dans l’invisible caresse, il écouta encore, longtemps, toujours…

Son père mort, Frédérick fut roi. Au galop d’un cheval blanc, qui secouait sa crinière, il passa en revue les lignes blanches et bleues de l’armée, parmi la poussière du soleil et les acclamations. Mais, à peine couronné, il se précipita dans la solitude et dans la musique, comme un