Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/314

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
306
LE ROI VIERGE

jamais n’arriverait ; elle est le rêve adorable à qui la réalisation, dans l’humanité, est interdite ! De sorte qu’elle était délicieusement et désespérément l’expression même de toute l’âme de Frédérick, l’ineffable désir obstiné de l’impossible ne pouvant être formulé que par un perpétuel inachèvement.

Hans Hammer ne cessait pas de jouer, mêlant aux notes grêles du clavecin d’auberge sa voix mordante, âpre, qui agrippait l’ouïe et quelquefois pourtant s’atténuait en une plainte adorablement féminine. Si Frédérick avait été déjà initié aux œuvres de Hans Hammer, il eût reconnu, se succédant par de savantes modulations, les thèmes principaux du « Chevalier Klindor », du « Chevalier au Cygne », des « Maîtres Chanteurs d’Eisenach », de « Floris et Blancheflor ». Peut-être l’illustre artiste, dans une de ces heures de découragement que n’ignorent pas les plus robustes esprits, et qui, chez lui, suivent fréquemment les crises de colère nerveuse, éprouvait-il le besoin de fortifier sa volonté un instant chancelante dans l’admiration de ses travaux anciens, — de se prouver à lui-même son génie. Tantôt, — selon que la musique