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LE ROI VIERGE

tion d’être Anglais et rien de plus, et un Gascon, commis-voyageur en champagne, qui s’était fourré là, guettant des clients ; d’ailleurs il affirmait que, s’il n’y a de bon vin qu’en France, il n’y a de bonne musique qu’en Allemagne, et, pour sa part, il jouait du cor de chasse très agréablement. Gaudissart mélomane.

Joyeux, familiers, avec cet air à l’aise de gens qui, n’ayant guère de domicile privé, se sentent chez eux dès qu’ils sont à l’auberge, tous les convives buvaient, bavardaient, riaient autour de la table, sous le balancement d’une lampe suspendue, dont la lueur allumait les bijoux des femmes et satinait la peau de leurs épaules. Mais, chose singulière, depuis que Frédérick s’était assis près de la porte, plus personne n’avait prononcé le nom du prince de Thuringe ; il n’entendait parler que du Jeu de la Passion, du festival qu’on avait organisé, le mois dernier, à Berlin, de la représentation du « Chevalier au Cygne », qui aurait lieu prochainement à Nonnenbourg, à moins que la mort du roi Joseph II ne mît en deuil la cour et la ville. Avait-on reconnu Frédérick, et, à cause de sa présence, évitait-on de le nommer ? Non, pas un