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FRÉDÉRICK

faire de la musique quelquefois ; et, plus tard, en Pologne, elle épousa le comte Loukhanof tout rouge encore des massacres de Varsovie. Mais, malgré les coups d’État, elle était restée adorablement blanche, comme si le sang, dès qu’il l’éclaboussait, devenait de la neige ; et elle ne cessa pas de jouer Chopin avec une soupirante tendresse qui vous faisait venir aux yeux des larmes de délices. Maintenant elle voyageait en Allemagne, tout occupée de l’art et des artistes, ayant autour d’elle un troupeau d’adolescents rêveurs, aux longs cheveux — de qui l’on prétendait qu’elle faisait parfois de petits Chopins, — et on la rencontrait dans toutes les solennités musicales, l’air un peu dédaigneux, comme revenue des choses, pâle, toujours penchée, malade sans doute, boîtant à peine, à cause d’une jambe de bois qu’elle avait, exquise. D’ailleurs, une espionne.

Beaucoup de femmes encore : la comtesse de Sternistz, qui venait d’épouser le ministre de l’intérieur en Prusse, et qu’on appelait la comtesse Trompette, en moquerie de son petit nez très drôle, joli d’ailleurs ; Mlle Zuleïka, la fille d’un poète allemand, grasse, rose, faisant jaillir