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LE ROI VIERGE

puis, peut-être, par la cruauté secourable des hommes, il pleurerait un soir, au jardin des Oliviers, les larmes qui lavent toutes les souillures, et il agoniserait sur le bois de quelque gibet, douloureusement et délicieusement, comme son dieu, comme son dieu !

Quand il rouvrit les paupières, l’antique drame renouvelé s’achevait sur la colline ; Frédérick vit la lance du soldat percer le flanc du roi des Juifs, et, comme s’il eût été frappé lui-même, il sentait tout son cœur lui ruisseler de la poitrine en voluptueux sanglots d’amour et de pardon.

Il se redressa violemment, et sautant de la roche, se précipita sur la pente. Il voulait voir de plus près, toucher, adorer le divin cadavre. Comme Marie-Madeleine, et Marie, mère de Jacques et de Joseph, et la mère des fils de Zébédée, il baiserait les pieds de Jésus, et, la nuit venue, le mettrait au tombeau ! Il courait entre les fûts de la sapinière, parmi les roulements des cailloux et l’envolement des sables. Maintenant, l’élévation des terrains lui cachait la vallée. Il s’élançait éperdûment, ne reprenant pas haleine. Il se déchirait aux branches, glissait sur les