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FRÉDÉRICK

noire à cause de l’épaisseur des rideaux, tapissait de ténèbres les murs froids de la salle, prolongeait dans les angles de sinistres lointains. Il se mit à rôder autour de la table, ainsi qu’il faisait jadis, le cou ployé, les bras ballants. Parfois il s’arrêtait, avec un frisson brusque, comme si tout à coup, dans l’obscurité de la chambre ou dans celle de sa pensée, il s’était rencontré face à face avec quelque hideuse apparition. Puis, machinalement, pareil à un automate de qui on aurait remonté le ressort, il poursuivait sa mélancolique ronde.

Dans quel cercle de mornes rêveries son esprit, comme son corps, tournait-il ?

Derrière la porte d’entrée, il se fit un petit bruit. Frédérick eut peur. Il devinait que c’était Lisi qui était là. Inquiète de lui, à cause de l’air brutal qu’il avait eu, le croyant malade peut-être, elle venait s’informer, lui dire : « Dormez bien, mon Fried ! » Il ne se souvenait plus s’il avait poussé le verrou. Elle allait sans doute entrer vivement, avec son rire, une lampe à la main. À l’idée de cette lumière et de cette joie qui surgiraient là, devant lui, Frédérick, tout tremblant, se ramassait sur lui-même, comme