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FRÉDÉRICK

bes par une bête sortie de derrière le tapis ; tressaillant quand un rayon trop vif, quand un bruit trop proche, grincement d’une roue sur la côte, coup de cognée d’un bûcheron, ou le chant clair d’un oiseau, perçait l’épaisseur des étoffes, — comme s’il avait craint que les lueurs et les sons du dehors ne fissent du mal à l’ombre effarouchée, au mystérieux silence qu’il avait au fond de lui.

Quelquefois, au contraire, un furieux amour de la lumière et du bruit, de toute la vie éparse dans toute la nature, s’emparait de lui soudainement. Ses boucles défaites, de la pourpre aux joues, de la flamme aux yeux, il se précipitait hors de sa solitude, criant à Lisi : « Viens ! » Et il l’emportait à travers les bois et les roches, s’élançait aux branches, retombait dans les herbes où il se roulait ravi, et, humant les bonnes odeurs de la terre, aspirant les vastes chaleurs du ciel, il avait l’air d’un jeune poulain échappé ! Mais, bientôt, les rougeurs de ses joues s’éteignaient, pareilles à des roses qui fondraient dans de la neige ; il laissait retomber ses bras, languissamment ; il regardait autour de lui, avec une tristesse craintive, comme s’il ne voyait plus ce qu’il avait cru voir