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FRÉDÉRICK

devant lui, comme disjoints par des mains invisibles, et se refermèrent après son passage, pareils à une cloison de verdure.

Alors il s’arrêta, et, rose de fureur encore, tout essoufflé, il se mit à sourire pourtant, parce que là, devant lui, sous un pâle clair de lune, qui descendait d’un ciel semé de petites étoiles, un beau cygne, lentement, traînait une nacelle d’or sur l’azur calme d’un lac.

Par quel miracle ce paysage nocturne rêvait-il, lointain, entre les parois d’un palais, tandis que le plein jour, sans doute, battait au dehors les murailles ?

Le frisson frais du soir, dans la clarté mélancolique, rebroussait doucement les neigeuses plumes du cygne, ridait l’eau claire de petits frémissements sonores, et faisait se heurter autour du lac les grêles lances des roseaux et se froisser leurs lattes lisses ; et tout l’arôme vague, qui monte des verdures mouillées, qu’exhale l’encensoir à demi clos des fleurs, errait dans le souffle épars qui poussait et déchirait des nuées à travers les chevelures des herbes retombantes.

Frédérick, sur la rive, un peu penché, cares-