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LE ROI VIERGE

— Tu as oublié de nommer le prince Jean-Albert.

Frédérick devint très pâle, avec un retroussement de la lèvre.

— Il est pieux et sage, continua-t-elle.

— Je lui réserve une cellule de cloître !

— C’est lui que la Constitution désigne pour ton successeur.

— Il n’y a de loi que ma volonté !

— Ou la mienne.

— Ainsi, c’est de lui que vous feriez un roi ?

— Plus qu’un roi, Frédérick.

— Eh ! quoi donc ?

— Un empereur. Oh ! enfant, as-tu donc l’oreille si assourdie de musiques et l’esprit si affolé de songes, que tu n’entendes pas monter le vœu profond des races, que tu ne comprennes ce que le destin élabore ? L’Allemagne, jadis colossale, s’est écroulée en ruines éparses. Usé, troué, lacéré, l’antique manteau impérial, qui traîna sur l’Europe entière, s’éparpille en quarante haillons ; le diadème de fer, vendu à l’encan des batailles, a été rompu, mis en pièces, et, de chaque pointe tordue, un roi, un prince, un duc, s’est fait une couronne, assez large, il est