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FRÉDÉRICK

« Est-ce vrai que le Prince Pâle — comme on vous appelle — a été enlevé au pays des Féeries, et qu’il ne nous sera rendu que lorsqu’il aura fait deux enfants à la Reine des Fées, un garçon et une fille ? » Ma foi, j’ai répondu : « Il reviendra dans neuf mois, parce qu’on espère des jumeaux. »

— Tu aurais dû, au lieu de mentir, te taire, dit le jeune roi sévèrement.

— J’ai préféré me taire, tout en parlant, dit Karl. Il n’y a rien de plus discret qu’un bavardage habile ; et personne ne saurait où se trouve Votre Majesté si Sa mère n’était revenue de Berlin. Ah ! sire, la reine Thécla est une personne terriblement perspicace. Elle n’a voulu croire ni à la tulipe de Hollande, ni à la plume d’alcyon, ni aux renards bleus du Groënland, ni aux tambourins des Tziganes ; même la légende des jumeaux exigés par la reine des fées l’a fait sourire avec un air de dédain très pénible pour mon amour-propre de conteur ! Elle m’a regardé dans les yeux, en disant : « Où est le roi ? » comme elle sait regarder, de manière à donner le frisson. Pourtant, je n’aurais rien dit, — rien dit de vrai, du moins, — si la reine Thécla ne m’avait menacé…