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LE ROI VIERGE

moins heureuse d’être adorée, moins fière d’être obéie ; quelquefois on passe devant un miroir sans y regarder sa beauté ni sa couronne.

Elle marchait lentement, le front un peu penché, comme pour saluer, la bouche à demi ouverte, comme pour sourire, mais n’achevant ni le sourire ni le salut, ne voyant peut-être pas, n’entendant peut-être pas, accoutumée aux apothéoses et n’y prenant plus garde.

Près de la porte, elle eut un petit frémissement de paupière ; elle tourna tout à fait la tête vers un homme qui était là, plus courbé que les autres, un étranger, sans doute, car il étalait sur le revers de son frac de gala toute une constellation d’ordres insolites.

Maigre, grand, trop grand, on eût dit, pendant qu’il saluait, d’une perche cassée en deux ; de courtes touffes de poils gris — car il n’était plus jeune — hérissaient çà et là son crâne rose, pointu ; son visage, où la bouche s’ouvrait en O, avait je ne sais quoi d’ahuri, comme celui d’un pitre ; et ses yeux clignaient comiquement sous le double verre du lorgnon. En outre, un peu de désordre dans l’habit, et la cravate presque dénouée. À peine convenable, en vérité. Pourtant