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« Veux-tu avouer ? misérable ! assassin ! Ah ! tu ne veux pas ! Qu’on lui remette les fers ! »

Deux gendarmes intercèdent pour moi. Ils disent que je n’ai fait aucune résistance, aucun bruit, que l’humidité du cachot est déjà intolérable et que ce n’est pas la peine d’ajouter une souffrance de plus à celles que j’endure. Le monstre n’entend rien. Pendant que l’on m’emboîte les pieds dans la machine, je me plains d’une douleur à la cheville.

« Ah ! ça lui fait du mal ! s’écrie Thessein, attends ! Veux-tu avouer ? Non ? Et bien ! je vais te secouer ! »

Et le misérable me saisit les pieds dans ses grosses pattes, les heurte contre les fers, avec une violence telle que, pendant un mois, j’ai été forcé de ne marcher qu’en pantoufles. Sa figure, éclairée par la lueur d’une petite lampe, était hideuse. En ce moment, il avait oublié son ambition, sa croix. Il n’y avait plus qu’un fou furieux, un maniaque féroce. Il balbutiait, jurait. Ses hommes n’osaient rien dire et étaient pâles.

« Qu’il avoue ! » hurle la brute. Son visage se penche sur le mien, féroce, épouvantable ; je sens la fétidité de son haleine courir sur ma figure ; sous prétexte de me fouiller, il me secoue, me pousse me bouscule. Chaque mouvement me fait croire que mes pieds sont rompus ; enfin, il saisit les couvertures qui sont sous moi, les tire avec tant de violence que mon corps, rivé au lit de camp par les pieds, en fait un soubresaut et que ma tête va rebondir trois fois sur la planche. J’ai cru avoir le crâne fracassé ; mais ce n’est pas tout. Cherchant ce qu’il