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Musset, quelques hommes, oh ! qu’ils soient oubliés ! se croyaient des poètes. De l’art, nul soupçon ; de la langue, du rythme, nul souci. Du moins la tendresse vraie, l’émotion sincère, la passion en un mot, l’exprimaient-ils parfois ? Jamais. Et pas un seul d’entre eux ne posséda une seule des qualités auxquelles, précisément, ils se vantaient de sacrifier toutes les autres.

L’état de la poésie française à cette date a été exprimé beaucoup mieux que je ne saurais le faire dans une page un peu folle et humouristique, mais toute charmante, et si belle parfois, de M. Henry Laujol ; vous me saurez gré de vous la lire.

En ce temps-là, « un barde » était tenu, avant toutes choses, de pleurer sans fatigue pendant au moins deux cents vers, et dispensé largement du reste d’expliquer pourquoi il pleurait. Ce qu’a mouillé de mouchoirs cette génération est incalculable ! Pauvres gens, quelle tristesse était la leur ! Mais en retour, que de dames se sont évanouies délicieusement à la lecture du « Poète malade » ou des « Jeunes filles mourantes, » qu’on entendait le soir dans ces salons littéraires d’aspect sépulcral où l’eau sucrée coulait comme les larmes ! Devant un auditoire choisi, composé de colonels en retraite, traducteurs