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Très loin, au fond d’un golfe où fut jadis un port.
Elles ont alangui leurs regards et leurs poses
Au silence divin qui les unit aux choses,
Et qui fait, sur leur sein qu’il gonfle, par moment
Passer un fraternel et doux frémissement.
Chacune dans son cœur laisse en un rêve tendre
La candeur et la nuit par souffles lents descendre ;
Et toutes respirant ensemble dans l’air bleu
La jeune âme des fleurs dont il leur reste un peu,
Exhalent en retour leurs âmes confondues
Dans des parfums où vit l’âme des fleurs perdues.




Voici un autre poème intitulé Forêt d’hiver ; c’est, je le crois, une des plus superbes pages de la poésie contemporaine.


FORÊT D’HIVER


Seront-ils toujours là quand nous disparaîtrons ?
Les voilà, roidissant leurs vénérables troncs
Qui des vents boréens ont lassé les colères.
Eux, les arbres, longs murs de héros séculaires
Durcis aux noirs assauts des hivers meurtriers,
Inexpugnable bloc d’impassibles guerriers
Qui sous le choc prochain des rafales nocturnes
Pour un instant se font tout à coup taciturnes,
Solennels et géanis, horribles et nombreux.
Et défiant la mort comme les anciens preux !