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Même, chez Mme de Ricard, il nous arriva de jouer la comédie. Que dis-je ? la comédie ; le drame ! Et quel drame ! Marion de Lorme. Mon Dieu, oui, un jour, devant le public de soie et de dentelles, tout éclatant de diamants au corsage et de perles dans les chevelures, public parmi lequel se trouvaient Gustave Flaubert, Edmond et Jules de Goncourt, et une jeune fille, poète elle aussi, presque une Parnassienne, qui ne devait pas tarder à devenir Mme Alphonse Daudet, — devant ce public charmant et redoutable, nous osâmes représenter l’œuvre grandiose de Victor Hugo, dans des décors presque aussi petits que ceux d’un théâtre de poupées. François Coppée jouait le rôle de Didier, et Saverny, c’était moi. Dussé-je froisser vivement l’amour-propre de mon vieux camarade, je dois à la vérité de dire qu’il se montra remarquablement inférieur à M. Mounet-Sully ; quand à moi, il me fallut bien conclure, après cette épreuve unique et décisive, que beaucoup de choses me manquaient pour remplacer M. Delaunay, et ma foi, si j’avais eu en ma possession les pommes des Hespérides, je les aurais fait cuire pour me les jeter à moi-même !