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apportions nos vers nouveaux, sollicitant le jugement de nos camarades et de notre grand ami. Ceux qui ont parlé d’enthousiasme mutuel, ceux qui ont accusé notre groupe de trop de complaisance pour soi-même, ceux-là certes ont été mal informés. Je crois que jamais aucun de nous n’a osé, dans la maison de Leconte de Lisle, formuler un éloge ou une critique sans avoir en soi la conviction de dire vrai. Pas plus d’exagération dans la louange que d’acerbité dans la désapprobation. Des esprits sincères, voilà en effet ce que nous étions ; et Leconte de Lisle nous donnait l’exemple de cette franchise. Avec une rudesse dont nous lui savions gré, il lui arrivait souvent de blâmer vertement nos œuvres nouvelles, de nous reprocher nos paresses, de réprimander nos concessions. Parce qu’il nous aimait, il n’était pas indulgent. Mais aussi quel prix donnait aux éloges cette sévérité coutumière ! Je ne sais pas de plus grande joie que celle d’être approuvé par un esprit juste et ferme. Surtout, ne concluez pas de mes paroles que Leconte de Lisle ait jamais été un de ces génies exclusifs, désireux de créer des poètes à leur image et n’aimant dans leurs fils littéraires que