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face à face, nous nous regardâmes tous les trois et nous partîmes d’un grand éclat de rire. La connaissance était faite. Nous allâmes dîner ensemble, malgré mon habit insuffisant et grâce à un vieux dictionnaire Bouillet que Glaser, pleiii d’audace, offrit d’aller vendre à un bouquiniste de la rue Soufflet.

Car Francis Coppée n’était pas riche ! Cela me réconcilia tout à fait avec lui. — Il vivait, ni bien ni mal, dans sa famille, d’une petite place qu’il avait au ministère de la guerre. Je vous dirai tout à l’heure ce que c’était que cet intérieur de Francis Coppée, si doux, si hospitalier, si tendre, avec une indulgente vieille femme dont je fus un peu le fils, moi aussi.

À partir du dîner payé par le dictionnaire Bouillet, Francis Coppée devint un de nos plus assidus compagnons. Il était avec les poètes, presque toujours, ne parlant guère, se tenant dans les coins. Pourquoi recherchait-il notre familiarité ? Qu’avait-il en lui ? nous ne savions. Nous avions pris l’habitude de l’aimer sans le connaître encore. Que ce fût un lettré, qu’il eût le goût très fin, on le devinait à ses rares paroles, à ses jugements circonspects, mais on