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bler, si je lis dans ses yeux la moindre hésitation, cela me suffit, je ne suis pas en présence d’un poète véritable, et je lui conseille immédiatement de chercher une place dans une maison de commerce ou de solliciter un emploi dans n’importe quel ministère ! Car le vrai artiste est celui qui, pour l’art, est prêt à tout endurer. Ceci ne veut pas dire que l’enrichissement futur ne puisse être entrevu par les poètes qui entrent dans le combat. Loin de là. Il est même bon à un certain point de vue que la pauvreté cesse et cède la place, sinon au luxe, du moins au bien-être. Dans un temps où quelques personnes, de plus en plus rares, sont encore tentées de considérer la poésie comme une chose vaine et digne de dédain, il y a une espèce d’orgueil que l’on peut se permettre à montrer, aux gens de finance, par exemple, que l’art sacré peut lui aussi être une source de richesses ; et la Muse éprouve quelque fierté à être aussi bien logée que la Spéculation. Quand Charles Baudelaire se présenta à l’Académie, — il eut pendant quelques semaines cette fantaisie ironique, — je me souviens que je lui demandai un jour comment il s’y prendrait, lui, l’impec-