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vers, des vers encore, des vers toujours, et nous ne pensions à la nuit achevée qu’après l’ode finie. Ah ! le rythme, c’est le divin consolateur ; il berce toutes les angoisses, adoucit toutes les amertumes. Le balancement de sa musique, même quand il n’a pas été précisé encore par la netteté du mot, vous emporte, vous enlève, vous charme. On vit dans une harmonie idéale où tout s’oublie délicieusement. Et vraiment l’on prend en pitié alors, si malheureux qu’on soit, tous ceux qui s’imaginent être heureux. Au surplus nous pensions déjà, — et nous le pensons encore, — que la misère, au commencement, est chose salubre ; quiconque hésiterait à la subir pour atteindre un but glorieux n’est pas digne de poursuivre ce but. Aujourd’hui quand un très jeune poète veut bien me consulter sur ses premiers vers, avant de les lire je lui demande : « Avez-vous peur d’avoir faim ? Avez-vous peur de supporter les angoisses des heures misérables, l’horreur d’être chétif, amaigri, humilié ? Avez-vous peur de ce moment du soir où, sous la pluie et la neige, on ne sait pas dans quel gîte dormir ? » Et si, à cette question, je vois le jeune homme se trou-