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passion ou de l’inspiration. Il eût été naturel que dès la première entrevue, ils éprouvassent l’un pour l’autre un éloignement sans retour. C’est précisément le contraire qui se produisit ! Avec son admirable sens critique, Baudelaire avait démêlé tout ce qu’il y avait de valeur réelle, de littérature latente, dans ce jeune homme qui cherchait sa voie, et Cladel comprit instinctivement que les leçons et l’exemple de l’auteur des Fleurs du mal pourraient lui donner ce qui lui manquait encore Le maître et le disciple travaillèrent ensemble avec acharnement. Chaque fois que Cladel allait publier un conte ou un article, chaque fois qu’il recevait des épreuves de son premier volume, les Martyrs ridicule, Baudelaire survenait, sévère et implacable, relisait l’œuvre phrase à phrase, se montrait sans pitié pour tout ce qui n’était pas voulu, exigeait la propriété des termes, l’impeccable correction du style. Cladel regimbait quelquefois comme un fauve mal soumis. Il mordait la règle et déchirait la discipline ; mais le froid dompteur ne se décourageait pas, et enfin toute résistance était vaine.

Écoutez ce que raconte Léon Cladel lui-même dans ses Années d’apprentissage :