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Oh ! je n’ignore pas ce qu’on peut répondre. Notre pays avait été injuste pour Richard Wagner et cruel pour son œuvre. Sans parler de l’inqualifiable soirée de Tannhäuser, il faut songer aux premières années de la jeunesse de Richard Wagner, passées à Paris dans la misère et dans l’abandon. Mourant de faim, l’auteur de Tristan et Iseult a réduit pour deux cornets à piston la partition de la Favorite. Chef des chœurs au théâtre des Variétés, il mit des notes sous ces paroles : Dansons, dansons Le joyeux rigodon, et, la chose faite, on le chassa du théâtre, sous le prétexte qu’il ne savait pas la musique. Un jour il offrit au grand Opéra de Paris son poème le Vaisseau fantôme ; on le trouva passable et on l’acheta 500 francs, mais à la condition expresse qu’il n’en écrirait pas la musique ; et un peu plus tard, le Vaisseau fantôme, signé par un auteur dramatique que je ne nomme pats, parce qu’il est mort, et mis en musique par un compositeur qu’il est inutile de nommer, parce qu’il n’a jamais vécu, était représenté à l’Académie de Musique. Richard Wagner assistait à cette représentation. Pour payer sa place, il avait vendu son chien à un voyageur anglais rencontré dans une gare de chemin de fer !