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Toi, Calderon, tu fus de ces voyants sublimes
Qui, se couvrant d’un masque effrayant ou moqueur,
Du haut de leurs tréteaux ont sondé les abîmes
Que l’homme épouvanté cache au fond de son cœur.

L’homme seul, rien que lui, tel sera ton domaine :
L’éternel voyageur qui d’un pas incertain
Marche sans s’arrêter, et sans voir où le mène
Dans la profonde nuit l’implacable Destin ;
 
L’homme, avec le vautour qui le tient dans ses serres.
Sa bouche qui tantôt dit oui, tantôt dit non,
Sa pourpre et ses haillons, sa joie et ses misères,
Son rire gigantesque et ses douleurs sans nom ;
 
L’homme avec ses désirs qui rempliraient cent vies,
Ses élans vers un but qui fuit loin de ses yeux,
Ses soifs de l’idéal toujours inassouvies,
Son vol toujours brisé vers le gouffre des cieux !
 
Ô puissant enchanteur, tu nous ravis notre âme,
Tu nous berces et tu nous étreins tour à tour,
Lorsqu’à nos yeux charmés tu déroules ton drame,
Fait de terreur intense et d’ineffable amour,
 
De rires argentins, de délire, d’ivresse,
De songes qu’entrecoupe un refrain montagnard,
De serments, de baisers, de longs cris de tendresse
Qu’étouffe dans le sang la lame d’un poignard ;