Page:Meillet - Quelques hypothèses sur des interdictions de vocabulaire dans les langues indo-européennes, 1906.djvu/14

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 15 —

plois de mūs-, aussi bien du sens de « muscle » que de celui de « souris »), cf. lit. peléti « moisir », pìlkas « gris », gr. πολιός, πελιδνός (polios, pelidnos), etc. ; en celtique, on a irl. luch (gén. lochat), gall. llyg et llygoden, corn. logoden, bret. lògòden, en face de irl. luch « noir », gall. llwg « pâle » (M. V. Henry, Lexique du breton moderne, sous lògôden, signale en même temps que celle-ci une autre étymologie qui semble moins vraisemblable, surtout si l’on tient compte de lit. pelê). Or, là où l’on évite de nommer la souris, en Suède par exemple, on l’appelle « la petite grise ».

L’existence des tabous pourrait peut être servir aussi à expliquer les discordances que présentent les noms du renard dans les diverses langues indo-européennes (v. Schrader, Reallexikon, sous Fuchs).

Dans le recueil Kulturgeschichtliches aus der Tierwelt, p. 30, M. O. Keller montre comment les noms du « crapaud » varient d’une langue à l’autre, par ex. gr. φρῦνος, φρύνη (phrunos, phrunê) « brun », lat. bufo (mot dialectal, mais sans doute ancien, v. Niedermann, BB., XXV, 83 et suiv.) et rubeta (d’après la couleur), etc.

Les exemples précédents sont tous tirés de noms d’animaux, parce que ce sont à peu près les seuls où l’action du tabou se laisse encore entrevoir. Mais il a dû y avoir beaucoup d’interdictions se rapportant à d’autres notions. Et, à titre de pure hypothèse, on citera encore un cas assez différent de ceux qui ont été mentionnés.