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LES LANGUES ET LES NATIONALITÉS

n’est plus saisissant que celui du celtique, qui, après une énorme et rapide expansion, a presque disparu.

La constitution du germanique commun et la dispersion des tribus germaniques ont été des faits postérieurs à l’unité celtique ; on ne se trompera sans doute pas beaucoup en les datant des premiers siècles avant l’ère chrétienne. Le nom d’une tribu gauloise, celle des Volcae, emprunté par les Germains, a subi l’une des altérations phonétiques qui caractérisent le plus nettement le germanique commun, et le k y a passé à h, si bien que le mot a pris en germanique la forme Wahl (c’est de là que dérive le nom de Welsch, par lequel les Allemands désignent les peuples romans) ; la grande mutation des consonnes du germanique commun n’était donc pas achevée à un moment où des Gaulois avaient déjà leur individualité parmi les peuples de langue celtique. Mais l’expansion germanique a été plus durable que l’expansion celtique, et si l’on met à part le groupe indo-iranien, qui a recouvert une notable partie de l’Asie, le groupe italique qui sous la forme du latin s’est étendu à toute l’Europe occidentale, et par les langues modernes est allé en Afrique et en Amérique, aucun groupe indo-européen n’a montré une force d’expansion aussi grande. Sans doute beaucoup des tribus germaniques, parties trop loin en avant, se sont fondues dans d’autres populations et ont perdu plus ou moins tôt leur ancien idiome : ainsi l’un des trois grands groupes qui constituent l’ensemble germanique, le groupe gotique, qui est allé fonder des royaumes dans les Balkans, en Espagne et jusqu’en Afrique, a disparu tout entier, et l’on n’a quelque idée du gotique que par une traduction de textes bibliques faite au IVe siècle ap. J.-C. Néanmoins les parlers germaniques ont pris une énorme extension et ont couvert une notable partie de l’Europe. Le scandinave a été porté jusqu’en Islande.

La plus favorisée des langues germaniques a été l’anglais, qui, depuis le XVIIe siècle, est devenue la langue universellement employée dans l’Amérique du Nord, l’Australie et la Nouvelle Zélande, la langue impériale dans l’Inde et une grande partie de l’Afrique, la langue des relations commerciales dans tout l’Extrême Orient, sans parler d’une foule d’îles dispersées sur toutes les mers. L’histoire des langues ne fournit pas d’exemple d’une fortune comparable à celle de l’anglais.