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FORMULES GÉNÉRALES DE CHANGEMENT.

ō s’est trouvé rapproché de ŭ, comme ē de ĭ. Le rapport de ō à ŭ est le même que celui de ē à ĭ ; mais, pour le sujet parlant, ce fait théorique n’est pas visible. Le parallélisme des innovations ne peut résulter que de l’effet commun de conditions pareilles.

Si les innovations sont ainsi à la fois communes à divers sujets, sans qu’il y ait action des uns sur les autres, et parallèles entre elles, c’est que dans une certaine mesure, elles dépendent de conditions générales.


Tous les linguistes qui ont eu à examiner des changements phonétiques et à fixer des règles de correspondances entre des langues diverses ont senti que ces changements ont lieu suivant certains types généraux. Quelques types de faits s’observent dans un grand nombre de cas. Par exemple, les occlusives dites gutturales — en réalité caractérisées par le contact ou le rapprochement de la surface de la langue et du palais — sont sujettes à se « palataliser » devant des éléments prépalataux tels que y et les voyelles i, e et même la voyelle a orientée vers e ; c’est ce que l’on note en marquant que, en pareil cas, k, g deviennent k’, g’ : le k de fr. qui est tout autre chose que celui de fr. cou. Or, ces k’, g’ prépalataux sont sujets à devenir tš, dž (č, ǰ) ou ts (c), dz ; et ces , dž et ts, dz à devenir simplement š, ž et s, z. Par exemple, lat. cinere(m) est devenu fr. cendre et lat. carbōne(m) fr. charbon. Des développements pareils s’observent un peu partout dans le monde et dans les familles de langues les plus variées.

Mais il y a des formules plus délicates dont M. Grammont a reconnu l’existence dans son travail fondamental sur la dissimilation consonantique. Si, dans un même