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VIII.

LES FORMULES GÉNÉRALES DE CHANGEMENT.


Tant pour répondre à son usage qui est de servir de moyen de communication entre membres d’une société que parce que la tendance normale de tout groupe social est d’établir une exacte conformité entre ses membres, la langue de chaque groupe social tend à être une. La manière de prononcer, la morphologie dont se servent les sujets parlant une même langue concordent à beaucoup d’égards avec une précision rigoureuse. Des détails de formes, des nuances de sens que le grammairien le plus exact a peine à discerner et à formuler se maintiennent souvent pendant des suites de générations sans subir aucune altération notable. Ces concordances minutieuses n’excluent pas de fortes divergences portant sur quelques points ; mais ces divergences partielles ne sont possibles que justement parce que la langue a un fond d’unité, parce que les sujets parlants d’un même groupe sentent qu’ils sont d’un même type.

Quand des changements viennent à se produire, ils doivent dès lors porter sur le groupe dans son ensemble, sous peine d’en entraîner la dislocation. Et l’on constate en effet que les changements linguistiques atteignent l’ensemble des sujets. Le langage ne vit que de commu-